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Produire en réemploi un événement autonome en énergie : retour d’expérience 2/2

Lors de la COP 21, l’artiste Yann Toma et l’agence de scénographie et de design Emilieu, anciennement ARTEL, ont transformé la Tour Eiffel en une immense antenne énergétique, baptisée HUMAN ENERGY. Cette œuvre aura été l’occasion d’explorer l’alimentation autonome en énergie d’événements à grande échelle, ainsi que les pratiques de réemploi dans leur mise en place. Voici un tour dans les coulisses de réemploi de cette entreprise monumentale. 2/2

HUMAN ENERGY, comme son nom l’indique, invite chacun d’entre nous à participer à une production d’énergie commune, selon les principes et les enseignements exposés lors de la première partie de notre retour d’expérience. Mais se cantonner à l’explication de la production d’énergie électrique serait réducteur. En effet, la majorité des matériaux et des équipements utilisés sont issus du réemploi et réemployés par la suite. Nous calquons notre définition du réemploi sur celle de l’ADEME, à savoir toutes les « opérations par lesquelles des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçu ».

L’événementiel se prête bien au réemploi

Un événement a généralement une durée de vie courte, ce qui implique le plus souvent de la location de matériel. La location d’équipement rentre dans la définition du réemploi. En effet, il aura déjà été utilisé et sera réutilisé ultérieurement, pour un usage identique. En effet, les entreprises d’événementiel reposent sur une économie servicielle de location et de mise en place des équipements. Pour pérenniser leur rentabilité, les matériels sont robustes et permettent des réemplois fréquents. Les vagues de gaspillage se trouvent donc plutôt au niveau de l’obsolescence technologique. On peut par exemple penser à la transition de l’incandescent à la LED, qui a encouragé le changement d’un matériel fonctionnel.

Réemploi du non-standard

Nous avons réemployé des matériaux issus de gisements de réemploi non-standards, comme d’anciens stands d’exposition. Ils sont « non-standard » du fait de leur taille, de leur revêtement ou de leur état, tous différents. En l’état, ils ne sont pas adaptés aux nouveaux besoins du nouveau projet.

Une première difficulté est donc le travail supplémentaire de redécoupe et de remise au propre. La seconde difficulté réside dans l’aspect réglementaire. En effet, chaque type de matériel doit répondre à une nomenclature précise, pas forcément celle pour laquelle il était prévu dans sa première vie. Pour les EPR, on peut citer par exemple la nécessité de se procurer les procès-verbaux de résistance au feu.

Réemploi du standard

Réemployer du standard, c’est réemployer des éléments standardisés n’ayant pas perdu leurs caractéristiques d’origine. Dans notre cas, c’étaient des containers vidés et remplis d’un nouveau contenu, des Vélib’, des génératrices et des luminaires. Cependant, l’état des matériaux peut nécessiter des réparations, ou même des opérations de démantèlement et de remontage.

Nous avons privilégié des dispositifs standards mobiles et simple d’installation, pour des assemblages les plus aisés possibles. Nous nous sommes associés avec plusieurs entreprises et associations pour réfléchir aux meilleurs matériaux à employer pour faciliter les usages futurs dans ces nouvelles filières.

A la suite de l’événement, nos partenaires ont démantelé et redistribué les éléments. JC Decaux a réintégré les Vélib’ à leur parc existant, prêts à être réutilisés. Les génératrices sont reconditionnées pour être adaptées aux Vélib à assistance électrique. Les containers sont réemployés pour créer un tiers-lieu mobile dédié à la recherche sur la résilience urbaine. Les candélabres, prêtés par l’entreprise EVESA, étaient initialement construits pour la ville de Paris et seront implantés sur la voirie parisienne après l’événement. Nos panneaux solaires sont issus d’un stock ayant hors marché pour cause de défauts ; ils deviennent une source d’énergie pérenne pour le tiers lieu.

Sourcing et aménagement des containers

L’entreprise Capsa, située à Lyon et travaillant dans le recyclage, a aménagé les containers devant recevoir du public (ERP). Elle a assuré la jonction sécurisée et étanche entre deux containers découpés pour produire des espaces de 50 mètres carrés ; ainsi que pour la découpe de tôle de façade afin d’habiller l’intérieur des containers.

C’est Toits Vivants, projet d’agriculture participative sur toitures et terrasses, qui a aménagé les containers à usage technique et d’exploitation. Ils nous avaient été donnés par Paris Terminal SA et des Terminaux de Seine SAS, sur la plateforme de Gennevilliers. L’Opéra de Paris nous a offert les trois containers, qui servaient avant au stockage de leurs éléments de scénographie.

L’aménagement consiste à isoler les containers par l’intérieur avec de la laine de roche, récupérée auprès de notre partenaire Rockwool, en élevant une ossature en bois qui reçoit un habillage constitué des panneaux de parement récupérée. Nous avons fermé les extrémités des containers avec des cloisons avec portes vitrées de façon à laisser un apport lumineux transversal.

Après une prise de contact avec les standistes salon Batimat à Villepinte, ils nous ont donné des matériaux qu’ils ne réutilisaient pas. Nous avons récupéré une grosse quantité de matériel, notamment des briques d’isolant, des panneaux de particules, de l’OSB ou encore du MDF. ArtComposit nous a donné les plaques de contreplaqué, destinées initialement à la benne. Nous avons également contacté Co-recyclage,  une initiative de récupération d’objets par l’intermédiaire d’une plateforme web.

Toits Vivants a récupéré les matériaux après l’événement et les a transmis au tiers-lieu.

Conclusion

L’une des difficultés est d’obtenir du matériel directement exploitable, sans recoupe, nettoyage ou retouche. Une seconde est la nécessité d’obtenir les procès-verbaux de classement au feu aux normes EPR. Nous avons dû renoncer à certains matériaux hors législation.

A chaque étape de conception, nous avons pensé « la transition » de l’équipement ou de l’objet d’un état à un autre. On pourrait définir comme étant « en transition » des équipements, disponibles sur stock et en attente de leur future utilisation – par exemple un bâtiment vide entre deux locations. C’est donc optimiser leur temps d’usage que de les utiliser pendant la période de stockage ou lors de la transition d’un lieu à un autre. Une centralisation de ces informations permettrait aux concepteurs d’avoir une ressource supplémentaire pour élaborer son projet par le biais d’un catalogue d’éléments existants et prêts au réemploi.

De façon plus générale, il faudrait imaginer de nouveaux processus de conception, de démontage et de stockage favorable au réemploi. Ceci en parallèle de la mise en place d’un système d’indexation agile des matériaux. En effet, chaque filière de réemploi a ses propres conditions et besoins spécifiques. Du BTP au stand d’exposition, les acteurs concernés sont nombreux. Une conception systémique avec l’ensemble des protagonistes du circuit semble fondamentale pour arriver au « réemploi total ». Sans doute faudra-t-il arriver à standardiser le réemploi ou tout au moins les processus de valorisation du « non-standard ».

Ainsi, nous pourrions entrer de plain-pied dans l’« économie de la fonctionnalité et de la coopération », selon la définition du club de l’économie de la fonctionnalité. C’est à dire de passer de la vente à l’usage, d’ouvrir les potentialités fonctionnelles d’un appareil ou d’un équipement. En somme, il s’agit « d’ouvrir le périmètre d’activité des acteurs » pour limiter certaines externalités négatives sur l’environnement.


Retrouvez le retour d’expérience sur le panneau « énergie » de l’événement ici.