TOP

Produire en réemploi un événement autonome en énergie : retour d’expérience 1/2

Lors de la COP 21, l’artiste Yann Toma et l’agence de scénographie et de design Emilieu, anciennement ARTEL, ont transformé la Tour Eiffel en une immense antenne énergétique, baptisée Human Energy. Cette œuvre aura été l’occasion d’explorer l’alimentation autonome en énergie d’événements à grande échelle ainsi que les pratiques de réemploi dans leur mise en place. Voici un tour dans les coulisses énergétiques de cette entreprise monumentale. 1/2

Le projet Human Energy posait deux défis en termes énergétiques. D’une part, créer un dispositif énergétiquement autonome permettant d’alimenter tout un petit village au pied de la Tour Eiffel, où l’on pouvait venir se retrouver, écouter des conférences, se renseigner sur la crise climatique, etc. Ensuite, réinjecter l’énergie supplémentaire dans l’œuvre lumineuse. Si l’événement a dû pivoter au dernier moment en raison de mesures de sécurité, voici le dispositif, qui fût construit, testé et validé.

Création d’un dispositif énergétiquement autonome

Il a fallu en premier lieu élaborer, avec le BET B&L Evolution, un modèle de balance énergétique entre énergie produite et énergie dépensée.

Cette dernière nous a permis d’évaluer la nature et la quantité d’équipements électriques à mettre en place ; ainsi que la quantité d’énergie à réintroduire dans le circuit de la Tour Eiffel, afin d’estimer la durée d’illumination possible de l’œuvre jour après jour.

Combiner différentes énergies : éolienne, solaire et humaines

Nous avons travaillé avec les éoliennes de l’entreprise Eolie, à usage domestique. Le courant qu’elles produisent est directement exploitable grâce à un ondulateur et à une prise intégrés. Elles produisent environ 500 Wh chacune, mais cette donnée est très fluctuante sous la Tour Eiffel, où la variation en intensité et direction des vents est très importante.

Les panneaux solaires, quant à eux, sont fixés sur des containers de 40 pieds, inclinés afin de capter au maximum les rayons du soleil. Plus de 50m2 sont installés, avec un rendement de produire environ 5 kWh en hiver.

S’ajoute à ces deux sources d’énergie qui sont dépendantes d’éléments naturels, une troisième source de production d’énergie qui, pour sa part, est dépendante de l’activité physique humaine : les vélos.

D’ailleurs, outre notre dispositif de mutualisation et de circulation d’énergie, baptisé « réinjection réseau », nous avons testé l’ « autoconsommation », en injectant directement l’électricité produite dans les équipements nécessitant une alimentation électrique. Cependant, ce type d’alimentation nécessite un flux tendu et présente trop de fluctuations en énergie, pouvant endommager les équipements électroniques.

Nous avons donc opté pour des échanges d’énergie entre le dispositif et la Tour Eiffel sont gérés par une batterie intelligente, le KW3 prêté par Libre Energie, qui agit comme un médiateur. Elle permet d’accumuler l’ensemble de l’énergie produite et de synchroniser chacun des courants.

Une expérience collaborative de création d’énergie électrique

Les 138 vélos fournis par JCDecaux sont disposés en cercle autour du centre du dispositif, scénographié par Emilieu Studio autour du motif de la tour. Chaque vélo est équipé d’un moteur générateur d’énergie sur la roue arrière. Grâce à des platines, les vélos sont stabilisés et les frottements diminués au possible. L’ensemble est connecté à 5 onduleurs, conçus sur mesure par LudikEnergie. Ces centrales permettent de traiter et de transformer en courant alternatif l’énergie produite, fluctuante selon le pédalage.

Nous avons effectué des tests avec 16 vélos, dans les locaux de réparation de Vélib’. Nous avons pu constater que la production en énergie variait très fortement selon le pédalage. Un pédalage lent produit environ 30 Wh par vélo ; un pédalage plus intensif permet d’atteindre 100 à 120 Wh.

Nous étions donc confrontés à un paramètre humain : un travail de médiation et de coordination apparaissant donc essentiel pour produire une énergie suffisante. Le groupe de cycliste doit se mettre en rythme pour optimiser les fluctuations dans l’énergie créée.

Une éolienne domestique produit donc environ cinq fois plus d’énergie à l’heure, sans parler du photovoltaïque, mais le groupe de vélo a une agentivité dans sa productivité, contrairement aux énergies issues du climat.

La fluctuation d’énergie, un paramètre à part entière

L’ensemble des dispositifs permet ainsi de générer une quantité d’énergie importante mais fluctuante, que ce soit pour des raisons climatiques ou humaines. Il a donc fallu penser un circuit énergétique adaptatif.

Dans le cas où l’énergie produite par tout le dispositif, stocké et redistribué par KW3, est supérieure aux besoins en consommation du village sur le parvis, le surplus, plutôt que d’être perdu sous forme de chaleur, est réinjecté dans le réseau de la tour Eiffel.

Dans le cas où cette énergie est momentanément inférieure aux besoins, le processus s’inverse et le système absorbe l’énergie nécessaire dans le réseau de la tour Eiffel.

Conclusion

Il est donc possible de faire des événements autonomes en énergie. Cependant, sa production est déterminée par la consommation des équipements et donc les types d’activités proposées par l’événement. Il faut multiplier les sources d’énergies pour répondre aux contraintes de fluctuation ; choisir entre autoconsommation (petits équipements) et réinjection réseau (ensemble de gros équipements) ; et surtout choisir les types d’activités et d’équipements présents sur l’événement en fonction de la production d’énergie disponible. L’évaluation de la consommation des équipements et de ce qui doit être produit est donc indispensable.


Retrouvez le retour d’expérience sur le panneau « réemploi » de l’événement ici.